Production de l’Opéra de Marseille,
Direction d’orchestre: Patrick Davin, mise en scène: Patrice Caurier & Moshe Leiser, rôle titre: Alexia Cousin
1, 3, 6, 8 Octobre 2004
Présentation de l’œuvre par Arthur HONEGGER et Jacques IBERT
S’il n’en a pas d’autre, notre ouvrage a en tout cas une originalité qu’on ne peut lui contester : celle de réunir dans une collaboration musicale, deux compositeurs d’une même génération.
Autant l’union de deux tempéraments divers comporte d’exemples célèbres dans la littérature dramatique, autant ce fait est rare et jusqu’ici peut-être unique en dramaturgie lyrique.
L’honneur d’avoir été pressentis, l’un et l’autre, pour écrire la musique de l’Aiglon, et notre désir commun de tenter d’écrire une œuvre d’un caractère populaire et direct ont été la cause déterminante de cette collaboration.
On parle beaucoup, à l’heure actuelle, de spectacles populaires, mais la formule n’en a pas encore été trouvée. Le drame de Rostand ne présente-t-il pas le caractère idéal d’une œuvre susceptible de toucher et d’émouvoir tous les publics sans cesser d’être une œuvre d’art ? Le danger pour nous était d’ajouter un autre lyrisme à celui de Rostand ; nous pouvions craindre de nuire à la richesse verbale du poème qui a prouvé qu’elle n’a aucun besoin de l’apport sonore. Cependant nous avons constaté, au cours de notre travail qu’elle décelait au fur et à mesure toute une musique latente que nous avons essayé de réaliser.
De l’aveu même de ceux qui ont vu L’Aiglon avec Sarah Bernhardt, la symphonie verbale que présente le tableau de Wagram, les bruits de coulisse et le génie même de l’interprète n’ont jamais produit l’effet qu’en espérait le poète. Or, ce tableau, entre autres, nous est apparu offrir d’exceptionnelles possibilités musicales qui, loin d’en contrarier l’effet, pouvaient lui conférer toute sa puissance et sa véritable atmosphère.
La critique, après les représentations de Monte-Carlo, a bien voulu reconnaître à notre partition une certaine unité assez surprenante, étant donné la différence que l’on s’accorde à trouver à nos tempéraments. S’il en est ainsi, c’est que, renonçant à nos prédilections personnelles, nous avons voulu avant tout écrire la musique du drame de Rostand, si français, si national au sens étroit du mot : le meilleur. Le public jugera…
Le Figaro, 21 août 1937